Inspiré du jeu Hordes.

1 févr. 2010

:: Chp1 ::


"Une fin où tout commence."



Une respiration. Un souffle, rapide, saccadé. Un silence…

Les oreilles sont vides, le cœur semble ne plus battre. Il ne fait ni froid, ni chaud. Il n’y a rien… Pas de voiture, pas d’oiseau, pas de bavardage. Aucun de ces bruits qui font notre quotidien, au point que l’on n’y prend plus garde. Qui entend encore la mésange, le moineau perché au sommet d’un arbre, en équilibre sur un fil électrique ? Qui entend encore, une 206, une jaguar… ? Qui entend encore, ces deux gamines parlant de celui-ci, ces deux papis parlant du bon vieux temps…
Et qui, qui arrive à entendre ce qui ne se dit pas ?

Entendre les gestes et les regards, entendre le cœur d’un autre…
N’as-tu jamais entendu tous ces mots qui battaient en moi ? N’as-tu jamais entendu ce que mes silences cherchaient à te dire ?

Ma respiration se fait plus douce, je me sens presque calme. Non, je ne me sens… Je ne sens rien. Ni odeur, ni bruit, ni peur, ni vie. Est-ce cela mourir ? Je n’aurais pas cru… Non, je n’y ai jamais pensé en faite. Je ne me suis jamais demandé ce qu’il y avait… Après. Est-ce un tord ? Je ne sais pas, je ne crois pas. Je suis jeune, pourquoi aurais-je du penser à la mort ? Je ne me sentais pas concerné, je ne l’étais pas. Aucun garçon de mon âge ne devrait être concerné par ça, et pourtant…
Pourtant je le suis. L’ai été du moins, car à présent tout est fini.
Combien sont-ils, ceux qui, comme moi ont eu à mourir bien trop tôt ? Combien sont-ils, qui sont-ils ? Qu’ont-ils fait ? Et moi ? Moi, qu’ai-je fait pour mourir si jeune…

Je n’ai pas la réponse. Je ne sais même pas où je suis, ni comment j’y suis arrivé. On me demanderait ce qu’il s’est passé, je serais incapable de répondre… La seule chose que je sais, c’est que je suis mort. Je n’ai plus rien… Plus de corps, plus de souvenirs, plus de nom, plus de vie. Tout ça, c’est terminé. Comment, pourquoi ? J’ai presque peur. Et si je devais passer le restant de mes jours ainsi ?
Cette fois, je crois que j’ai peur. Je ne veux pas passer une éternité dans le noir… Je voudrais me redresser et partir : j’en suis incapable. Je n’ai plus de jambes, et quand j’essaye de les toucher je n’ai plus de main. Où que je sois, quoi que je sois, je n’ai plus de corps.

Ne voudriez-vous pas me tendre la main, m’aider ? Si, mais en êtes-vous seulement capable… Je ne demande rien, je veux juste que l’on me pousse définitivement de l’autre côté du mur, ou au contraire que l’on m’attire à nouveau du bon côté, là où se trouve la vie, ma vie. Pourquoi êtes-vous là ? Pourquoi lisez-vous ces lignes sans même me connaitre ? Pourquoi est-ce que vous ne m’aidez pas, pourquoi restez-vous plantés là sans rien faire, sans rien dire ? J’ai besoin de vous moi, j’ai besoin de vous entendre. Rien qu’un mot, une parole, rien qu’un geste… Pourquoi ne faites-vous rien ? Est-ce plaisant à ce point de me regarder mourir, de la même façon que vous en regardez d’autres vivres ? Quel genre de personne êtes-vous, pour regarder sans rien faire…
J’ai peur, pourquoi ne cherchez-vous pas à me consoler, me rassurer ? Je n’ai rien demandé moi, je ne voulais pas mourir… Pourquoi m’abandonnez-vous ? Pourquoi me laissez-vous seul ? Bon sang… Pourquoi personne ne vient donc m’aider ?

Si je le pouvais, je pleurerais toutes les larmes de mon corps. J’ai si peur de tout ce vide… Je voudrais tellement être ailleurs, entendre une voix, je voudrais tellement ne pas être seul…
Pourquoi personne ne me répond…

« Parce que personne ne t’entend. Personne ne t’a jamais entendu. »

Je sursaute, ma peur bat à mes oreilles, au même rythme que mon cœur. Ai-je peur ? Oui, il me semble. Je n’en suis plus si sûre, à cause de cette voix étrange, que je n’identifie pas, que je ne connais pas. Est-ce un homme, une femme ? Est-ce un enfant, un vieillard ? Sans sexe, sans âge, sans identité… Est-ce dieu ?
J’entends un rire, le sien. Joyeux et triste, mélodieux, léger, puissant, comme un coup de tonnerre sur une pluie cristalline. Je n’ai pas de corps, l’entends-je vraiment ? N’est-ce pas qu’une hallucination, un songe ? Un dernier, juste avant de disparaitre définitivement.

« Pourquoi es-tu ici ? »

Sa voix vient de partout, et de nulle part en même temps. Si jusque là, je n’avais que peur, à présent je suis proche de la panique. Je ne comprends rien, c’est… Insensé. Comme un cauchemar : c’est tellement fou que l’on n’y croit pas. Je sais que c’est faux, que c’est juste… Juste du délire. Je ne suis pas mort, je suis entrain de devenir dingue. Je ne peux pas le voir, ni lui répondre : je n’ai ni yeux ni bouche. Ni oreilles. Pourtant je l’entends…
J’essaye de crier, sans succès. Je ne parviens pas à émettre le moindre son. Pourtant lui, il parle, il semble même entendre ce qui se passe dans ma tête. Pourquoi ne puis-je pas lui répondre !

« Pourquoi n’es-tu pas mort ? »

Brusquement je me sens oppressé, à l’étroit. J’ai l’impression d’être enfermé dans un air épais et collant, froid et brûlant. J’ai peur, je ne sais pas de quoi, ou de qui. C’est juste… Lui. Ou elle. Cette chose, cet être… Cette entité étrange qui me tient ici. J’ai l’impression d’avoir été enfermé dans une boule de cristal qu’elle tient entre ses mains, maître de mon destin… Je pourrais n’être plus qu’un jouet. Je ne peux rien faire, rien dire.
Ses questions résonnent dans ma tête, j’ai peur, je voudrais fuir, pleurer, tout, et rien… Ses questions, pourquoi, pourquoi ? Qu’en sais-je ? Je ne peux pas répondre, je ne sais rien, je… Je ne sais même pas qui je suis…

« Je vois… Tu t’inquiètes. »

Sa voix, d’un coup, semble venir de l’intérieur de moi-même. Ma peur monte d’un niveau, mon angoisse se fait plus forte. J’entends, ma respiration… C’est comme être enfermé dans le noir, c’est comme être enfermé seul avec sa peur. Je m’entends respirer profondément, j’entends mon souffle étouffé, effrayé…

« Tu as raison d’avoir peur. Mais ce n’est rien… »

Il rit de nouveau. Sa voix est cinglante, grinçante. Blessante… Elle irrite les oreilles, le cœur. Douloureuse…

« Ce n’est rien, comparé à ce qui t’attends. »

J’ai peur, je cherche à me recroqueviller sur moi-même, alors que son rire retentit encore, cependant plus loin qu’auparavant. Il s’éloigne, et me retrouvant seul j’en viens à regretter sa présence. J’ai peur, je voudrais qu’il revienne, qu’il me parle, m’explique…

« Une dernière chose. »

Comment expliquer ce soulagement qui m’envahit en l’entendant ? Comme définir ce trouble, qui renforce mon angoisse… J’entends quelque chose cogner, lentement. Sourd, grave… Ma peur semble s’étouffer, ma respiration se calmer, alors que ce bruit se fait de plus en plus distinct, de plus en plus régulier.

« Ton nom, c’est Jonas. »

Mes poumons se remplissent brusquement, d’un air lourd et humide qui me donne la nausée. Je suffoque presque, panique, peine à retrouver tous mes sens. Je tremble des pieds à la tête, assis, je regarde autour de moi, sans rien voir. Epuisé, je me laisse tomber en arrière, et ferme les yeux, appuyant mon poing serré sur mes lèvres, pour étouffer un sanglot.
J’ai l’impression de ne plus rien savoir, de ne plus rien être. C’est comme si ma vie était une ardoise que l’on venait d’effacer… Je sens mon cœur, qui tambourine follement contre ma poitrine, alors que ma respiration tend, lentement, à se faire régulière.

Assommé de fatigue, je m’endors. Epuisé.
Epuisé d’être mort…

~

L’être se redresse, s’envole, loin de cette âme qu’il vient de réincarner, pour la première fois. Loin de là, il se tourne vers vous, et vous avez l’impression que ses yeux se plongent au plus profond de vous, là où se cache votre âme. Vous frémissez, devant ses yeux vides et froids, où des milliers d’étoiles scintillent. C’est beau, si beau… Et vous ne vous expliquez pas la terreur qui vous envahit et vous pétrifie.
Jonas endormit, vous vous éloignez pour vous en retournez à votre vie. Dans le hall de l’hôpital, vous rouvrez les yeux, vous vous levez sans parvenir à savoir si ce que vous venez de voir est un rêve, ou une réalité.

Vous partez, un dernier frisson vous parcourant la colonne vertébrale alors que vous repensez à cet être…
Vous ne le voyez pas, mais il est encore là. Ne sentez-vous pas son regard glacial planté dans votre nuque, s’enfonçant dans votre cœur ? Ne le sentez-vous pas, lui, entrain de sonder votre esprit, peser votre âme…
Une prochaine proie, une prochaine vie. Le prochain citoyen…
La prochaine âme.

C’est peut-être vous…